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semblée en honteuse bataille l’un contre l’autre, père contre filz, frère contre frère, parens contre autres, à glaives mortelz, couvrans de sang, de corps mors et de membres les très doulereux champs. O ! la très dehonnorée victoire à qui que elle remaigne ! quel gloire li donra renommée ? Sera-elle donc de lorier couronnée ? Hé ! lasse my, maiz devra estre de très noires espines honteusement bendée, soy voiant non pas vainquerresse, mais homicide de son mesmes sang, dont noirs habiz porter lui appartient comme à mort de parent.


O tu, chevalier, qui viens de tèle bataille, dy-moy, je t’en prie, quel honneur tu emportes ? Diront donc tes gestes pour toy plus honnorer, que ta feuz à la journée du costé vainqueur ? Mais cestui péril, quioy que en eschappes, soit mis eu mescompte de tes autres beaux faiz ! Car à journée reprouchée n’appartient louenge. Hec ! que pleust aux hommes, car à Dieu bien plairoit, que nul de soy armer n’eust courage ne d’un costé ne d’autre ! Et que en ensuira après, en non Dieu ? Famine pour la cause du dicipement et gast des biens qui y sera fait, et la faulte de cultiver les terres ; de quoy sourdront rébellions de peuples par estre des gens d’armes estrangiez et privez trop oppressez, mengiez et pilliez de çà et de là ; subversion ès citez par oultrageuse charge, où, par nécessitez de finances avoir, convendra imposer les cytoiens et habitans ; et en surquetout les Angloiz par de costé qui parferont l’eschec et mat, se fortune y consent ; et encore reste les discencions et mortèles haynes dont traysons sourdront, qui en infiniz cuers à ceste cause seront enracinées.