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mort. Aussi Bersabée n’appaisa-elle mainteffoiz l'yre David ? Aussi une vaillant royne[1] qui consseilla à son mari que puist qu’il ne povoit avoir par force ses ennemis, que il feist si comme font les bons médecins : lesquelx quant ils voyent que médecines amères ne prouffictent à leurs paciens, ils leur donnent des doulces. Et par celle voye le fist la saige royne réconcilier à ses adversaires.

Semblablement se pourroient dire infiniz exemples que je laisse pour briefté des saiges roynes louées, et par le contraire des perverses, crueuses et ennemies de nature humaine : si comme la faulse royne Jezabel et autres semblables, qui pour leurs démérites sont encores et perpétuellement seront diffamées, maudites et dampnées. Mais des bonnes, encore à nostre propos sanz plus loing quérir, la très saige et bonne royne de France, Blanche, mère de saint Louys. Quant les barons estoient en descort pour cause de régenter le royame, ne prenoit-elle son filz mendre d’aage entre ses bras ; et entre les barons le tenoit disant : « Ne voyez-vous vostre Roy ? Ne faites chose dont, quant Dieu l’ara conduit en aage de discrétion, il se doiye d’aucun de vous tenir pour mal content. » Et ainsi par son sens les appaisoit.

Très haute Dame, mais que mon langaige ne vous tourne à ennuy ; encores vous dis-je que, tout ainsi comme la royne du ciel, mère de Dieu, est appellée mère de toute chrétienté, doit estre dicte et appellée toute saige et bonne royne, mère et conffortarresse, etadvocate de ses

  1. Livie, dans la conspiration dr Ginna.