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ment blécée, par quoy vostre hault cuer feust mains évolu que par ceste paix feust traictiée. O très noble Dame, quel grant scens c’est aucunefoiz, mesmes entre les plus grans, laissier aler partie de son droit pour eschiver plus grant inconvénient ou attaindre à très grant bien et utilité ! Et, très puissant Dame, les histoires de vos devanciers qui deuement se gouvernèrent, ne vous doivent estre exemple de bien vivre, si comme il advint jadis à Romme d’une très puissant princesse[1] de laquelle le filz par les barons de la cité avoit esté à grant tort et sans cause bannis et chaciez ; dont après, pour celle injure vengier, comme il eust assemblé si grant ost que souffisant estoit pour tout destruire, la vaillant Dame, non obstant le villenie faite, ne vint-elle au devant de son filz, et tant fist qu’elle appaisa son yre et le pacifia aux Rommains.

Hélas ! honnourée Dame, doncques quant il avendra que pitié, charité, clémence et bénignité ne sera trouvée en haute princesse, où sera-elle doncques quise ? Car, comme naturelment en femenines condicions soient les dictes vertus, plus par rayson doivent habonder et estre en noble dame, de tant comme elle reçoit plus de dons de Dieu. Et encores à ce propos qu’il appartient à haute princesse et dame estre moyennerresse de traictié de paix, il appert par les vaillans dames louées es Saintes Escriptures : si comme la vaillant saige royne Hester, qui par son sens et bénignité appaisa l’yre du roy Assuaire, tant que révocquer fist la sentence donnée contre le pueple condamné à

  1. La mère de Coriolan.