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CHAPITRE I
Tristan, telle que Thomas la recevait de ses devanciers comportait (comme nous le verrons plus loin) cette triple donnée : que Marke régnait seulement sur la Cornouailles ; qu’un roi d’Irlande anonyme (ou dont le nom ne nous est pas parvenu) exigeait de lui un tribut ; que Marke était le contemporain du roi Arthur. Il a plu à Thomas d’attribuer à Marke une puissance plus majestueuse, d’insérer son histoire dans l’histoire quasi officielle de la Grande-Bretagne, et de feindre qu’il régnait à la fois sur la Cornouailles et sur l’Angleterre. Il suivait de là que Marke ne pouvait plus rester le contemporain d’Arthur, et Thomas a commencé par modifier ou par supprimer les quelques épisodes où Arthur paraissait : remaniements qui lui furent faciles, puisqu’Arthur n’a jamais joué dans la légende de Tristan qu’un rôle de figurant ou de comparse. Puis, il a identifié le roi d’Irlande dont Marke était tributaire avec un personnage que Wace lui fournissait, postérieur à Arthur, le roi d’Irlande Gormon. Selon les dires de Wace, ce Gormon avait dévasté la Grande-Bretagne, conquis les terres des Bretons, çt les avait abandonnées aux Saisnes. Ceux-ci, trop divisés entre eux pour se choisir un roi unique, divisèrent la Bretagne en plusieurs royaumes, et l’occupèrent jusqu’au jour où Cadwalon, triomphant de ces envahisseurs, rétablit la domination bretonne. C’est dans l’intervalle que Thomas a placé le règne de Marke : profitant de l’obscurité qu’il remarquait chez Wace sur la durée du règne de Gormon et sur le temps qui est censé s’écouler entre les conquêtes de Gormon et la restauration de la puissance bretonne, il a supposé (voy, notre t. I, p. 74) que Marke, roi de Cornouailles par droit d’héritage, n’était qu’un enfant au moment de l’invasion irlandaise ; que, parvenu à l’âge d’homme, il fut choisi par les Saisnes divisés pour régner sur eux. Le Marke de Thomas est donc, singulièrement, un Breton qui règne sur la
