Page:Thomas - Le roman de Tristan, par Bédier, Tome I, 1902.djvu/9

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de l’édition Polidori[1], le conteur italien suit visiblement la version de Thomas, puis il l’abandonne, et nulle part ailleurs en toute son œuvre (comme s’il n’avait eu à sa disposition qu’un manuscrit fragmentaire de ce roman), il ne revient à cette source.

Ces cinq textes sont-ils liés entre eux par des rapports réciproques, et quel est leur rapport au poème de Thomas ? La critique a été lente à résoudre ces questions ; mais il est permis de passer sous silence un débat périmé, aujourd’hui qu’il est acquis que ces rapports sont des plus simples : pour négliger ici la Tavola ritonda, dont l’importance est médiocre, disons que la saga, le poème de Gottfried de Strasbourg, Sir Tristrem, la Folie Tristan, procèdent directement du roman de Thomas. Si tel de ces remanieurs, Gottfried de Strasbourg, a très accessoirement exploité en outre d’autres poètes encore, c’est un problème que nous considérerons ailleurs. Ce qui est sûr, c’est que Thomas est le modèle principal et direct de ces quatre remanieurs, et que pas un d’eux n’a connu le travail d’aucun de ses trois émules.

Dès lors, puisque ces textes, issus d’un même modèle, en sont issus indépendamment les uns des autres, il est possible de rétablir à peu près, pour le fond, s’entend, les parties perdues de ce modèle.

En outre, il se trouve que l’auteur de la saga, frère Robert, est moins un remanieur qu’un tra-

  1. La Tavola Ritonda o l’istoria di Tristano, testo di lingua… publicato… per cura… di Filippo-Luigi Polidori (3 vol., Bologne, 1864-5).