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XVÎII. — BËINGVAIN

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S.

que je la remercie pour tant de bien et d’honneur qu’elle m’a fait depuis mon enfance jusqu’à ce jour. Je lui pardonné ma mort. Et maintenant, par Dieu, frappe, dès que tu voudras î »

Quand le serf eut entendu ses paroles et comme elle 5ch.XLVlll. se plaignait en pleurant, quand tous deux connurent [£ 1733-i8o5] qu’elle n’avait fait nul autre tort à la reine, ils eurent grand’ pitié d’elle. Et, rie trouvant aucune faute en elle, ils l’attachèrent à un arbre élevé. Puis, ils prirent un grand lièvre, le tuèrent et lui coupèrent la langue. Ils s’en retournèrent et s’en vinrent devant la reine, Elle les prit à part ët leur demanda ce qu’ils avaient fait. L’un d’eux prit la langue du. lièvre, ils la lui montrèrent et dirent :

a Dame, nous l’avons tuée et nous vous rapportons sa langue. »

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saluez-la de ma part, comme il sied à une meschine de saluer sa dame. Que Dieu en sa bonté la garde, qu’il protège son honneur, son corps, sa vie l Et que ma mort lui soit pardonnée [Je recommande à Dieu mon âme ; quanta mon corps, il est à votre discrétion. >> Ces deux hommes se regardèrent l’un l’autre, saisis de compassion. Les larmes montées du coeur de la pure Bringvain les émouvaient ; tous deux étaient pris de remords et s’en voulaient d’avoir promis d’accomplir le meurtre, ne pouvant rien découvrir en elle qui parût mériter la mort. Ils tinrent conseil et tombèrent d’accord qu’il en adviendrait ce qu’il pourrait, mais qu’ils voulaient lui laisser la vie. Ils attachèrent donc la fidèle à un arbre, bien haut au-dessus du sol, pour empêcher les loups de se saisir d’elle avant leur retour. Ils coupèrent la langue à l’un de leurs chiens à chasser les, oiseaux, remontèrent à cheval et s’en furent.