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DISCOURS

me préserve d’y trouver encore des partis et leurs chefs, la discorde et ses clameurs ! Aussi, je me hâte de dire que rien n’était plus bienveillant et plus doux que le jugement de M. Andrieux sur toutes choses, et que ce n’est pas lui qui eût mêlé du fiel aux questions littéraires de notre époque. Disciple de Voltaire, il ne condamnait que ce qui l’ennuyait ; il ne repoussait que ce qui pouvait corrompre les esprits et les âmes.

M. Andrieux s’est doucement éteint dans les travaux agréables et faciles de l’enseignement et du secrétariat perpétuel ; il s’est éteint au milieu d’une famille chérie, d’amis empressés ; il s’est éteint sans douleurs, presque sans maladie, et, si j’ose le dire, parce qu’il avait assez vécu, suivant la nature et suivant ses propres désirs.

Il est mort, content de laisser ses deux filles unies deux hommes d’esprit et de bien, content de sa médiocre fortune, de sa grande considération, content de voir la révolution française triomphant sans désordre et sans excès.

En terminant ce simple tableau d’une carrière pure et honorée, arrêtons-nous un instant devant ce siècle orageux qui entraîna dans son cours la modeste vie de M. Andrieus ; contemplons ce siècle immense qui emporta tant d’existences et qui emporte encore les nôtres.

Je suis ici, je le sais, non devant une assemblée politique, mais devant une Académie. Pour vous, messieurs, le monde n’est point une arène, mais un spectacle, devant lequel le poète s’inspire, l’historien observe, le philosophe médite. Quel temps, quelles choses, quels hommes, depuis cette mémorable année 1789 jusqu’à