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directoire (1798).

canon. Toute notre escadre, excepté les vaisseaux et les deux frégates emmenés par Villeneuve, fut détruite. Nelson était si maltraité qu’il ne put pas poursuivre les vaisseaux en fuite.

Telle fut la célèbre bataille navale d’Aboukir, la plus désastreuse que la marine française eût encore soutenue, et celle dont les conséquences militaires devaient être les plus funestes. La flotte qui avait porté les Français en Égypte, qui pouvait les secourir ou les recruter, qui devait seconder leurs mouvemens sur les côtes de Syrie, s’ils en avaient à exécuter, qui devait imposer à la Porte, la forcer à se payer de mauvaises raisons, et l’obliger à souffrir l’invasion de l’Égypte, qui devait enfin, en cas de revers, ramener les Français dans leur patrie, cette flotte était détruite. Les vaisseaux des Français étaient brûlés, mais ils ne les avaient pas brûlés eux-mêmes, ce qui était bien différent pour l’effet moral. La nouvelle de ce désastre circula rapidement en Égypte, et causa un instant de désespoir à l’armée. Bonaparte reçut cette nouvelle avec un calme impassible. «Eh bien ! dit-il il faut mourir ici, ou en sortir grands comme les anciens. » Il écrivit à Kléber : « Ceci nous obligera à faire de plus grandes choses que nous n’en voulions faire. Il faut nous tenir prêts. » La grande âme de Kléber, était digne de ce langage « Oui, répondit Kléber, il faut faire de grandes choses ; je