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ne leur permettait pas de voir un objet, même à une distance de dix pieds.

Le brigantin prenait eau, ballotté qu’il était à travers les flots dont la crête écumante venait s’abattre sur lui. Les pompes, à l’exception d’une, étaient presque remplies de glace, et hors de service. Celle qui pouvait fonctionner fut tenue en mouvement pendant plusieurs heures, en dépit des lames qui déferlaient sur le pont. Les malheureux matelots, imbibés d’abord jusqu’aux os par l’eau glaciale, devinrent couverts d’une épaisse couche du liquide congelé.

Quelques minutes avant quatre heures du matin, on entendit le capitaine crier de toutes ses forces : « Terre ! terre : je vois la terre ! Virons de bord au plus tôt car grand Dieu !… nous sommes perdus ! »

En un instant chacun se rendit à son poste pour se mettre à l’œuvre. Mais cet empressement fut inutile. Le second ne put faire tourner la roue et les matelots ne réussirent pas à brasser les voiles, le