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une séparation qui eût ôté à l’État un moyen de gouvernement, au souverain pontife une part de prestige politique, au clergé la qualité et les bénéfices d’allié des classes dirigeantes. Et pourtant Lamennais, comme tous les génies réformateurs de cette grande époque, voyait loin. La séparation de l’Église et de l’État, qu’il aurait voulu voir demandée par l’Église, souhaitée par le pape, fut commandée par l’État, contre l’Église, à titre de défense du temporel contre le spirituel, de moyen de combat dans une guerre religieuse. Malgré cette différence, les résultats de la séparation ont été pour l’Église à peu près ceux que Lamennais prévoyait. Elle l’a rapprochée du peuple, elle l’a obligée à plus de souplesse et d’adaptation, et surtout elle a mis fin pratiquement à ces deux mouvements corrélatifs, à cette systole et à cette diastole du malaise français : le cléricalisme et l’anticléricalisme. La séparation que réclamait l’Avenir, c’était la décompression naturelle après les quinze ans de cléricalisme militant qui avaient marqué la Restauration, et dont l’auteur de l’Essai sur l’Indifférence