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CHAPITRE IV

LE POÈTE IMPRESSIONNISTE

Quand Mallarmé fréquentait le salon de Victor Hugo, celui-ci l’appelait en pinçant son oreille faunesque « mon cher poète impressionniste », Hugo, qui accueillit à Bruxelles, en 1871, Verlaine absolument ignoré en lui récitant vingt vers des Poèmes saturniens, avait un tact très sûr pour juger et jauger des vers nouveaux. Mallarmé est un poète d’impressions neuves, aiguës, difficiles à formuler, discontinues.

D’une sensibilité très fine, un peu maladive, il manquait de cette riche santé avec laquelle Hugo disciplinait la sienne pour en exploiter fortement les filons inépuisables. Il en souffrait plus qu’il n’en jouissait. Il loue, disais-je, le style Louis XVI de lui fournir contre elle comme une sauvegarde. « Je suis le malade des bruits et m’étonne que presque tout le monde répugne aux odeurs mauvaises, moins au cri[1]. » L’employé vociférateur dont la clameur, aux portières d’un train, « faussa ce nom connu pour déployer la continuité de cimes tard évanouies, Fontainebleau[2] », s’attire une invective mentale qui n’est pas tout entière une fiction amusée. Lapidaire

  1. Divagations, p. 49.
  2. Divagations, p. 44.