Page:Thibaudet - La Poésie de Stéphane Mallarmé.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lettes de Mendès ; Le Poète préfère aux drapeaux de la fête nationale et même à toutes fêtes de sa propre gloire la chevelure dénouée de l’aimée, faisant « ce princier amant », comme quelque autre eût donné une pierrerie ou sacrifié un royaume

Dans la considérable touffe,
Expirer, comme un diamant,
Le cri des Gloires qu’il étouffe.

Les sons et le silence pareillement s’incorporent à l’âme et au mystère de la maison. Le « très vaste et suranné piano » qu’il y avait, sans cordes presque, dans la chambre de Villiers, semble à Mallarmé « le taciturne reploiement sépulcral, désormais, de l’aile des rêves, en cet endroit[1] » ; et muet et simple meuble l’instrument lui évoquait silencieux plus de rêve peut-être que n’en dégagèrent les doigts qui l’animaient. Quand Villiers sonnait, « le timbre de la porte d’entrée suscitait l’attention par quelque son pur, obstiné, fatidique, comme d’une heure absente aux cadrans et qui voulait demeurer[2] ». La pluie qui tombe aux vitres se reproduit précieusement dans « l’effilé de multicolores perles » qui « la plaque encore au chatoiement des brochures dans la bibliothèque[3] ».

Cette hantise des choses domestiques, cette tendance à les déformer en des présences vivantes, qui se retrouve, mais souriante, chez les hommes du Nord intime, un Andersen, un Dickens, peut-être pesait-elle un peu aux nerfs de Mallarmé et la portait-il comme une complication douloureuse. Il loue avec une finesse aiguë le style Louis XVI, dernier vestige d’antique perfection, de ne pas prêter à ces méprises et à ces rêves « les soieries de robe aux bergères avec alignement d’acajou discret, cela noble, familier, où le regard jamais trompé par les similitudes de quelque allusion décorative aveuglante,

  1. Villiers, p. 50.
  2. Villiers, p. 40.
  3. Divagations, p. 236.