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CHAPITRE II

LA PLACE DE MALLARMÉ

J’ai tenté dans mon livre de mettre Mallarmé à sa place littéraire. Aussi ce chapitre doit-il être fait déjà dans l’esprit du lecteur, et je n’ai plus, au péril de quelques redites, qu’à relier par une ligne générale des points déjà déterminés.

Il était naturel que ce poète compliqué vînt tard, dans la plus vieille littérature de l’Europe, sur un sol poétique labouré de révolutions et saturé de conscience. Bien des chemins de notre passé vont incertainement vers le point qu’il occupe.

Incertainement, oui. Quand la clameur d’en bas fait interdire à l’Eden les représentations de Lohengrin, Mallarmé déplore que ce soit « en fuyant la patrie que dorénavant il faudra satisfaire de beau notre âme[1] ». Si, avec les théoriciens du néo-classicisme, on ne reconnaît comme authentiquement française qu’une poésie d’harmonieuse logique, une santé qui s’ajoute à de la belle prose comme à la jeunesse sa fleur, Mallarmé plus qu’aucun s’éloigne de cette route royale. Le rattacher au classicisme pur autrement que par des qualités toutes mo-

  1. Divagations, p. 209.