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444 LA POÉSIE DE STÉPHANE MALLARMÉ

dans ce sens, dépassa peut-être le caractère qu’il lui eût voulu. Il s’est dit « bizarre personne condamnée à porter probablement le deuil de l’inexplicable Pénul- tième ». J’imagine que chez des mallarmistes la mort de la Pénultième établit un secret analogue à celui qu’entretenait dans la famille de M. Bergeret l’existence de Putois.

Mallarmé est en partie responsable de cette scission viaimert curieuse, depuis une trentaine d’années, entre deux littératures françaises qui, malgré leurs points de contact, demeurent aussi distinctes que si l’une était d’oïl et l’autre d’oc : une littérature officielle et une littérature fermée, — toutes deux comportant une pro- portion à peu près analogue de mauvais, de médiocre et de bon. Aujourd’hui un certain courant mène la seconde vers la première. Mais l’influence de Mallarmé, ou, si l’on veut, le prestige de sa personne et le respect de sa parole, coïncide, de 1885 à 1896, avec des débuts litté- raires jeunes, originaux, dédaigneux du lecteur, tous de ferveur spontanée vers un modèle intérieur. Il se trouva que Mallarmé disparut au moment où cette forme d’art, à laquelle, pour la commodité du discours, il n’est pas interdit de laisser flotter (la décolle qui voudra) l’étiquette de symbolisme, donnait des signes de ma- laise, d’épuisement, de vide. De sorte que linfluence de Mallarmé, dans la mesure peut-être assez faible où elle s’exerça sur les œuvres, accompagna une période de formation, d’essais, de cartons. N’y a-t-il pas concor- dance, à travers une certaine ampleur, entre les courbes qui vont de Tel qu’en Songe aux Médailles d’Argile, des Cygnes à Phocas le Jardinier, de Couronne de Clarté à l’Ennemie des Rêves, du Voyage d’Urien aux Nourri- tures Terrestres, de la Princesse Maleine à Monna Vanna, de Tête d’Or à Y Otage ?

Tout cela s’exprima très. grossièrement par un lieu commun, qui fournit une sorte d’article-type écrit une centaine de fois : l’art de Mallarmé (on ne le compre- nait pas), son enseignement (il n’en eut jamais) étaient