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440 LA POÉSIE DE STÉPHANE MALLARMÉ

image, symbole, dans ses écrits comme dans la conver- sation familière ou même la plaisanterie *. »

« La causerie, dit M. Albert Mockel, naissait vite. Sans pose, avec des silences, elle allait d’elle-même aux ré- gions élevées que visite la méditation... Nous passions là des heures inoubliables, les meilleures sans doute que nous connaîtrons jamais ; nous y assistions, parmi toutes les grâces et toutes les séductions de la parole, à ce culte désintéressé des idées, qui est la joie religieuse de l’esprit. Et celui qui nous accueillait ainsi était le

TYPE ABSOLU DU POÈTE 3. »

a On entrait chez Mallarmé, dit M. André Gide. C’était le soir ; on trouvait là d’abord un grand silence ; à la porte tous les bruits de la rue mouraient ; Mallarmé commençait à parler d’une voix douce, musicale, inou- bliable... Chose étrange ; IL PENSAIT AVANT DE PARLER.

« Et pour la première fois, près de lui, on sentait, on touchait la réalité de la pensée ; ce que nous cherchions, ce que nous voulions, ce que nous adorions dans la vie existait : un homme ici avait tout sacrifié à cela 3. »

Ce qui frappe un Anglais, M: Arthur Symons, c’est que chez Mallarmé, au contraire de ce qui se passait dans le grenier Goncourt, « on ne parlait jamais argent, rapport matériel d’un livre, et quand la conversation partait sur une matière pratique, Mallarmé semblait gêné et roulait sa cigarette en silence jusqu’à ce que le moment de trouble fût passé * ».

Recueillons aussi quelques renseignements dans ces lignes malveillantes de M. Adolphe Retté : « On s’en- tassait sur des chaises, des fauteuils et un canapé, dans un petit salon que remplissait bientôt un nuage de fumée de tabac. Perdu dans ce brouillard symbolique, Mallarmé se tenait debout, adossé à son grand poêle en

1. Nouvelle Revue t. CXV, p. 433.

2. Stéphane Mallarmé cité dans Poètes d’aujourd’hui de Lcau- tvid et van Bever I p. 345.

3. Prétextes, p. a&5.

4. The symbolist movement, p. uî