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CHAPITRE PREMIER

L’INFLUENCE DE MALLARMÉ

L’idée d’influence n’est pas une idée claire. Tout au plus nous sert-elle d’hypothèse commode pour grouper sous un même point de vue des similitudes entre contemporains : cintre de bois provisoire qui aide à former une voûte. Mallarmé poussa à l’extrême des caractères communs à un groupe, d’ailleurs flottant, une certaine poésie intérieure, obscure et allusive, dont il marquait les attaches au Parnasse et à Baudelaire. Ses entretiens parurent donner pendant dix ans à ce groupe son atmosphère de pensée. Il n’en faut pas plus pour nous permettre de relier nos idées sur une génération littéraire par la courbe supposée d’une influence mallarméenne. Il est possible que sans Mallarmé l’œuvre de cette génération ait été la même, nous n’en savons rien, mais sans Mallarmé nous aurions beaucoup plus de peine à la comprendre, à construire sur elle un ordre logique, à créer à son propos un de ces êtres de raison, une de ces vignettes, dont il ne faut pas, en s’en servant, surfaire le crédit, et qui, non convertibles en l’or de pensées claires, sont pourtant à cours forcé.

Il est, remarque Mallarmé, pour un écrivain deux