Page:Thibaudet - La Poésie de Stéphane Mallarmé.djvu/376

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toute gloire, latente si telle indue, qu’il assuma, puis rend, frappée à l’authenticité des mots et lumière triomphale de Patrie, ou d’Honneur, de Paix.[1] » Cette figure du théâtre idéal il faut la confronter à celle de la poésie telle que la veut Mallarmé, lorsqu’il lui assigne, au lieu du rôle descriptif, un rôle, par l’allusion et la suggestion, créateur.

N’imaginons point cependant, selon des platitudes actuelles, une contrefaçon laïque de la messe. « N’allez mal, conformément à une erreur chez des prédicants, élaver en je ne sais quelle dilution couleur électricité et peuple, l’archaïque outremer de ciels[2]. » Le rapport des deux états, messe et théâtre, n’existe qu’idéalement, dans l’intelligence qui les conçoit, et non historiquement, par une transformation dans le temps.

Aujourd’hui, les disponibilités de foi, d’exaltation en commun, les vibrations unanimes, les foules humaines déployées en coups d’aile, tout cela appartient à l’ordre religieux, et dans les cérémonies religieuses se lève sa fleur de beauté vivante. Si un jour ces disponibilités devenaient libres, peut-être quelque rêve analogue à celui de Mallarmé prendrait-il corps. Pourtant on doit garder une réserve en ménageant l’hypothèse contraire : que tout cela soit lié précisément à l’existence du fait religieux, s’en projette comme l’ombre, en surgisse comme la plante qui, nourrie dans une terre appropriée, hors d’elle périrait. Il est possible que les pertes de la religion ne se traduisent en gains que pour l’individualisme. Et mieux que la grand’messe catholique ruisselant, les jubés abattus, par les cathédrales, la poésie de Mallarmé ne nous fait-elle pas présager quelque messe byzantine.

Elle dit le mot : Anastase,
Né pour d’éternels parchemins

  1. Divagations, p. 305.
  2. Divagations, p. 306.