Et pourtant il semble que le rêve de Mallarmé soit resté balancé, hésitant entre l’image du livre, fin en soi, et celle du livre moyen. Il a pensé le livre existant en lui-même, fixe, définitif, figure idéale d’éternité, – et pensé aussi le livre source indéfinie de suggestion, « la dispersion volatile soit l’esprit qui n’a que faire de rien outre la musicalité de tout ». Il a comme oscillé, ici, entre une image visuelle et une image motrice. Certes le livre, au contraire du théâtre, c’est la réclusion vers la vie intérieure, les « tomes épaississant la muraille[1] » Mais, dans le théâtre idéal, le poème, texte suprême, dégage, comme un développement indéfini de voiles vivants qui flottent et tournent, la musique et le ballet, suggestions du livre, sensibles aux sens d’une foule. Ainsi le livre religieux est dans sa lettre la parole de Dieu qui se suffit, mais cette lettre aussi s’anime et rayonne dans les cérémonies du culte, la messe : Scène, majoration devant tous du spectacle de soi. » Livre et théâtre figurent les deux seaux alternatifs dont l’un, dans le rêve de Mallarmé, descend lorsque l’autre remonte.
- ↑ Divagations, p. 321.