qu’exultent des cordes et des cuivres, un vers, du fait de l’approche immédiate de l’âme, y atteint[1] ».
L’écrit et la musique ont au moins ceci de commun, qu’ils puisent aux mêmes sources leur noblesse et leur pureté, « tous deux intimant une préalable disjonction, celle de la parole, certainement par ennui de fournir au bavardage[2] ». Ils éliminent également tout ce qui de la parole vulgaire dont pourrait tenir lieu l’échange d’une monnaie, et le remplacent, l’un par le signe visuel, « envol tacite d’abstraction », l’autre par l’amplitude sonore, « argumentation de lumière ». Ils s’accordent en ce qu’ils ont le même contraire. Cela, n’est-ce pas ? est bien fragile et précaire. Quand, à Tilsitt, Alexandre disait : « Je hais les Anglais autant que vous », Napoléon s’avançait beaucoup — la suite le montra — en répondant : « Alors la paix est faite ! »
Mais, pour réaliser une pure poésie, il faut, avec la même délicatesse et la même sûreté qui donnent à la musique son instrument matériel, définir, instituer et régler l’instrument, matériel aussi, de cette poésie, qui est le Livre. À ce « solitaire tacite concert », à cette essence de musique, servira de cordes, de bois, de cuivres, le Livre lui-même, à condition que le construise une architecture subtile, une technique précise de luthier. De là les rêveries très logiques de Mallarmé sur la constitution du Livre, les analogies qu’il cherche des pages de musique aux feuilles d’imprimerie, tout ce qui aboutira à la structure d’Un Coup de Dés jamais. Toujours c’est par des analogies musicales qu’il a justifié ces conceptions de typographie.
Une troisième figure de cette convergence de la musique et de la poésie lui apparut dans ses méditations sur le théâtre, et il fut obsédé par
Le dieu Richard Wagner irradiant un sacre
Mal tu par l’encre même en sanglot sibyllin