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dire d’une fillette : « Elle est chargée comme une abeille[1]. » La phrase de Mallarmé, en demeurant légère, se charge de tout ce qui vient à la rencontre ou à l’encontre de la pensée mouvante qui s’agite en elle ; de là son aspect d’immédiat, de natif, de non fait, de « hasard ». Mais tout cela, dont elle est lourde, et elle-même, ne sont pas une fin, car il lui faut, pour ruche à miel (c’est sa faiblesse ou bien son charme) la patience d’un lecteur ami.

  1. L’expression existe d’ailleurs dans le reste de la France et ne doit pas être mise au compte d’une poésie propre au paysan provençal. J’ai entendu, étant soldat, un poilu beauceron dire à un vieux pinardier qui revenait avec une vingtaine de bidons pleins en bandoulière : « Tu es chargé comme une abeille. »