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« Des entrelacs distants où dort un luxe à inventorier, stryge, nœud, feuillages, et présenter[1] ».

Le rejet syntaxique est ici jumeau du rejet poétique. Les trois noms, détail du luxe, en séparant les deux verbes, gardent à chacun de ces verbes sa valeur intacte, comme le blanc, entre deux vers, la conserve, dans sa glace, à deux épithètes.

Faune, l’illusion s’échappe des yeux bleus
Et froids…

Et le rejet de présenter semble dessiner le geste indiqué. Voici une autre coupe imitative : « Le déplaisir éclaterait, cependant, qu’un chanteur ne sût à l’écart et au gré de pas dans l’infinité des fleurettes, partout où sa voix rencontre une notion, cueillir.[2] »

Ainsi le mot, rejeté loin de celui qui le régit, suspendu et tendu paraît plus isolé, plus souple, plus apparemment nu, — et en même temps, au lieu d’appartenir strictement à tel membre, disséminé, sur toute la phrase, son reflet.

Le rejet syntaxique implique presque toujours, en prose, un rejet rythmique. Parfois le rejet rythmique est seul. Mallarmé aime à dégager, d’un geste d’arrêt vers ce qui seul importe, l’épithète beau. Dans une réclame de la Dernière Mode, j’ai déjà cité : « Il s’agirait d’adapter le gaz à quelque objet traditionnel et familier, beau ». Ailleurs « Contempler à même, sans intermédiaire, les couchers du soleil familiers à la saison, et beaux[3] ».

« Les gens d’idéal doivent très peu, excepté aux primes années de surprise, entre adeptes découvrant même rite, causer[4]. » À des auditrices d’Oxford : « Vous détachez une blancheur de papier, comme luit votre sourire, écrivez, voilà ». « Avec un délice d’ama-

  1. Divagations, p. 257.
  2. Divagations, p. 243.
  3. Divagations, p. 263.
  4. Divagations, p. 341.