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et l’Après-Midi. L’un et l’autre tournent assez court, sur un brouillon de vers faibles. Il semble que le poème, fait dans un mouvement musical, et où ce mouvement demeure visible, ne s’arrête pas à ces limites qu’assignent d’ordinaire la composition oratoire ou la vision plastique, mais se ralentisse et meure de lui-même dans l’extinction de son souffle intérieur.

Le poème en stances de quatre vers (les Fleurs, les Fenêtres), le poème en terze rime (le Guignon, Aumône), se développent en rejets, en entrelacements d’une stance à une autre. Mallarmé comme Verlaine rompt ici avec la netteté un peu rigide que prennent en pareil cas les cadres parnassiens. Le poème en vers suivis et le sonnet, qui l’un et l’autre permettent cette perpétuité musicale et souple, restent ses formes poétiques sinon préférées, du moins les mieux réussies.

La stance de quatre octosyllabes, qu’il manie merveilleusement dans la Prose, est pour lui (le nom de prose est choisi à dessein dans la langue de l’église) une sorte de mode mineur. Le cantique, inédit, de Saint-Jean, est fait en strophes de trois hexasyllabes, terminées par un trissyllabe, — le rythme de Banville dans sa pièce : À la Font-Georges. Ce sont là des exceptions, et je passe à ses modes habituels.

Le poème en alexandrins suivis, Las de l’amer repos, Toast Funèbre, L’Après-Midi, Hérodiade, est construit de ces rejets et de ces arabesques que j’ai étudiés avec le Vers. Il est un mouvement, qui s’oppose de façon frappante, bien que ses moyens rythmiques soient analogues, au mouvement oratoire de Victor Hugo. Il déroule dans un ballet souple et spontané la suite des images motrices. Il présente la poésie de Mallarmé dans son état d’ampleur et de fraîcheur les plus natives. Que Mallarmé ait abandonné cette forme pour la brièveté dense du sonnet, c’est le témoignage le plus net de la rétraction, du scrupule excessif, de la probité maladive, qui le stérilisèrent si tôt.

Le sonnet, avec ses quatre marches nettes et bien,