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II

Le glaïeul fauve, avec les cygnes au col fin,
Et ce divin laurier des âmes exilées
Vermeil comme le pur orteil du séraphin
Que rougit la pudeur des aurores foulées.

La substitution de avec à comme est déjà toute mallarméenne. Au lieu de la comparaison, qui rapproche, par l’écorce, des ressemblances superficielles, l’analogie perçue de l’intérieur, le sens des correspondances mystiques. Le glaïeul a jailli du même acte créateur que le cygne ; l’un et l’autre font remonter le poète platonicien à une Idée de souplesse svelte.

La seconde image, délicieuse de lumière et de matin, est vraiment la création, par le vers, d’une fleur fraîche. Le laurier est posé comme un orteil de séraphin qui aurait effleuré l’aurore. L’image ainsi serait belle, mais resterait vaporeuse, conventionnelle. Il faut que ce rose soit chargé d’une âme qui le rende palpitant, d’une pâte qui l’enracine et l’attire vers le cœur du tableau : l’ange a marché sur des aurores vivantes, dont il garde la pudeur exhalée, et le vers alors devient d’une pulpe plus solide, qui ne lui laisse plus nommer le laurier, mais qui fait de lui le laurier.

III

L’hyacinthe, le myrte à l’adorable éclair
Et, pareille à la chair de la femme, la rose
Cruelle, Hérodiade en fleur du jardin clair,
Celle qu’un sang farouche et radieux arrose !

La strophe fléchit. L’adorable du premier vers, donné par l’allitération, participe à une fausse image. Le beau rejet mis à part, les plus vagues banalités, les épithètes impropres et de hasard, s’accumulent. La mauvaise image du dernier vers est induite à son mal par la rime féminine (plate ainsi que l’autre.) C’est exactement le