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Car j’installe par la science
L’hymne des cœurs spirituels
Et l’œuvre de ma patience,
Atlas, herbiers et rituels.

C’est l’idée aussi que conçoivent à peu près de lui ceux qui le tournent en ridicule. On le compare à Lycophron. Adversaires et amis dépassent la juste mesure.

L’aveu de Mallarmé n’a qu’une valeur poétique. Il n’est pas besoin de le connaître beaucoup pour savoir, que, lorsqu’il fait allusion, dans son œuvre, au Poète, c’est du Poète idéal qu’il s’agit,

Tel qu’en lui-même enfin l’éternité le change.

Mallarmé, par sa passion même d’absolu, était détourné de la culture livresque. Dans l’étude des livres, dans la critique, il voyait « le banal malentendu d’employer, comme par besoin sa pure faculté de jugement à l’évaluation de choses entrées déjà censément dans l’art ou de seconde main, bref à des œuvres. La Critique, en son intégrité, n’est, n’a de valeur ou n’égale presque la Poésie à qui apporter une noble opération complémentaire, que visant, directement et superbement, aussi les phénomènes ou l’univers[1] ».

Autrement, la critique doit s’attacher non à des œuvres, mais à des idées générales, devenir non une histoire naturelle des esprits, mais une esthétique. Et c’est en se mouvant dans cet ordre d’idées que Mallarmé arrive à proclamer — mettez de sa part le sourire nécessaire — son incompétence sur toute autre chose que l’absolu.

Il rappelle, notons-le, le « lointain » que « comportaient » pour les Parnassiens comme lui, « artistes unis dans une tentative restreinte[2] », les noms des philo-

  1. Divagations, p. 155.
  2. Villiers, p. 32.