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CHAPITRE PREMIER

LES LIVRES

Mallarmé est un poète français, avec le degré de spontanéité, d’ignorance originale qu’implique une nature de poète. Avant d’aborder sa psychologie, il est utile de rappeler qu’elle ne saurait porter que sur un artiste. On a fort exagéré sa culture livresque. M. Mauclair, qui fut un de ses vrais disciples, fait de lui un penseur qui subit directement l’influence des métaphysiciens allemands, Fichte, Schelling, Hegel, ce dernier surtout. Il les avait peut-être feuilletés, mais n’avait, me semble-t-il, à peu près rien retenu de leur métaphysique abstraite.

Pourtant Mallarmé lui-même, reconnaissons-le, contribue à présenter son labeur sous ce jour. Il lui plaisait que sa poésie donnât l’idée d’une œuvre érudite, et qu’une bibliothèque d’Alexandrie ou de Byzance, placée à son horizon, la commandât comme une montagne significative.

La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.

Et dans la Prose pour des Esseintes, il dépeint la poésie comme une tâche pénible, consciente et desséchée de savant.