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13. Mais chez qui du rêve se dore
Tristement dort une mandore.

(Une dentelle s’abolit.)

14. Basse de basalte et de laves.

(À la nue accablante tu.)

15. Verlaine, il est caché parmi l’herbe, Verlaine.

(Anniversaire.)

L’assonance élargit le vers, l’étoffe, lui donne, sans rompre l’ampleur de son jet, je ne sais quelle ombre de dualité. Elle rappelle l’amande double d’une « philippine ». Elle est aussi comme une rime dispersée et poudroyante, elle en mobilise davantage la fonction motrice. Observez que presque tous les vers que je viens de citer impliquent en effet, dans leur sens, quelque tendance motrice. Et à défaut de celui-là, l’assonance peut produire un autre effet. Des deux mots en assonance l’un exprime le reflet de l’autre (2 et 5). L’assonance déroule une monotonie d’existence (6), développe une vision prolongée (10), fixe ses deux syllabes élargies comme deux yeux hystériques (11), rend sensibles (12), les affirmant comme par un « je le maintiens » dans le oui les lambeaux d’ancien ciel d’or suscités par la chevelure, vibre (13) sous une aile de rêve comme une corde d’instrument musical — celle de la Pénultième ? — pose (14) (il n’y a qu’à répéter) une basse de basalte et de laves, mêle (15) à une présence naturelle une présence humaine.

Mais un sonnet de Mallarmé, un des plus beaux, offre un système plus savant et plus complexe d’assonances.

Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui
Va-t-il nous déchirer avec un coup d’aile ivre
Ce dur lac oublié que hante sous le givre
Le transparent glacier des vols qui n’ont pas fui ?