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CHAPITRE III

LES FIGURES

J’entendrai par figure, faute d’autre mot, en un sens plastique, en un sens de ballet aussi, les agencements d’images et de métaphores qui se groupent pour former un tout, pour évoquer, plus ou moins fugitif, un spectacle mental. Peut-être trouvera-t-on artificiel de séparer la figure du Poème qui la réalise, mais je tiens, entre les éléments de la poésie de Mallarmé et ses formes techniques, à étudier dans leur ensemble les jeux et la vie de l’imagination qui la nourrit.

Il me paraît — et cette conclusion était impliquée dans les deux chapitres précédents — qu’il existe chez lui deux types de ces figures, l’un qui se relie à son imagination visuelle et à son idéalisme, l’autre qui procède de son imagination motrice et de son inquiétude. Le premier tend vers une esthétique plastique, le second vers une esthétique de ballet. Le premier est artificiel, le second spontané, et l’artificiel, si l’on veut, est un cas du spontané : il arrête un mouvement en le rendant sensible encore par cet arrêt même.

Dans la forêt de Fontainebleau « il est, cet an, d’amers et lumineux sanglots, mainte indécise flottaison d’idée désertant les hasards comme des branches, tel frisson et