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Ce retrait, pour revenir conscient par le contraste, implique des « sorties ». La Déclaration Foraine dit l’histoire idéale d’une sortie, de la « sortie », sortie de la rêverie, sortie dans la Foire, dans la gloire, sortie par l’œuvre réalisée, pincée de cendre que laisse une cigarette dans le creux de la main, séparée de la fumée bleue son âme. Et dans Hérodiade, dans l’Après-Midi, dans la Prose, il a traité encore ce même thème : une sortie, l’échec et la vanité de cette sortie. Excuse à écrire, plutôt que cause d’écrire.

Sortir, pour Mallarmé comme pour tous en somme, c’est se retrouver. Toute circonstance le ramène à son obsession, qui est le fait poétique. Allant lecturer à Oxford et à Cambridge, il s’empresse d’y apporter cette nouvelle : pour la première fois on a touché au vers, « ainsi qu’un invité voyageur tout de suite se décharge par traits haletants du témoignage d’un accident su et le poursuivant, en raison que le vers est tout, dès qu’on écrit[1].».

Tous les ordres d’existence, pour le poète, se disposent et se graduent alors selon leur rapport avec la raison suprême d’être, qui est la poésie, non au sens lamartinien l’émotion du cœur, mais, au sens parnassien strict, le vers. De même, dans l’intellectualisme qui fournit au philosophe sa morale professionnelle, tout se définit et s’étage selon l’intelligence, pour l’économiste selon l’utilité, pour l’âme religieuse selon Dieu. Tout homme prononce à sa façon, dictée de l’intérieur par son âme et du dehors par son métier, qu’une seule chose est nécessaire. Aussi est-il naturel, malgré la première surprise, que l’Académie, ordre des lettres, paraisse à Mallarmé ce qui existe, socialement, aujourd’hui, de plus haut. Elle marque d’une pointe précise, la partie supérieure de l’édifice. « Culte, une loi — tout s’arrête à l’écrit, y revient. Même principale, la niveler aux classes de l’Institut, montre une main politique et sa-

  1. La Musique et les Lettres, p. 33.