De là, chez lui, cette attitude tendue de fuite, que signale fort bien Remy de Gourmont. « Fuir, là-bas fuir », fuir, tourmenté d’absolu, en une flèche où la matière s’allège à ne plus être, presque, qu’une direction, un sens vers la hauteur.
Cette fuite hors le relatif, Mallarmé l’imaginerait volontiers, presque, hors la langue. Dans le fait que Beckford, pour son Vathek, a employé une autre langue que la sienne, il reconnaît, croirait-on, une sympathie secrète à sa propre manière, à lui qui alla se chercher et s’inventer une syntaxe non à vrai dire étrangère, mais propre. Et il allègue, pour en justifier Beckford, la raison dont il appuie ailleurs la forme sibylline de ses vers « l’espèce de solennité avec quoi il fallut s’asseoir à une tâche de caractère unique, différente, elle, de tout ce qui allait être la vie[1] ». Cet alibi qui était, pour Beckford, le français, pour un peu Mallarmé l’eût demandé à la musique, ou, comme dans Un Coup de Dés, à telle architecture du papier imprimé.
Ces pressentiments tourmentés d’absolu se mêlent bien dans une certaine mesure à sa poésie, mais surtout ils lui font des entours, une atmosphère, un rêve. Le jardin qu’il cultive diffère du Paradis qu’il évoque. « Un poète français contemporain, exclu de toute participation aux déploiements de beauté officiels, en raison de divers motifs, aime ce qu’il garde de sa tâche pratiqué ou raffinement mystérieux du vers pour de solitaires Fêtes, à réfléchir aux pompes souveraines de la Poésie,
1. Divagations, p. 09.
- ↑ Divagations, p. 99.
teindre.. L’influence baudelairienne dans ses premiers vers touche au pastiche. Les deux vers délicieux qui terminent Apparition.
Passait laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d’étoiles parfumées,
les voici dans la Xe pièce des Chants du Crépuscule : À l’Homme qui a livré une femme
Marche avec l’or qu’on voit
Luire à travers les doigts de tes mains mal fermées
Tous les biens de ce monde en grappes parfumées
Pendent sur ton chemin.