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CHAPITRE XVII

LA RECHERCHE DE L’ABSOLU

« Je l’exhibe avec dandysme, mon incompétence sur autre chose que l’absolu », dit-il, oubliant que le brummelisme orthodoxe n’exhibe rien, mais se souvenant peut-être que l’incompétence sur autre chose que l’absolu ne signifie pas la compétence sur l’absolu. Il est de fait pourtant que cette apparence de quêteur d’absolu frappa premièrement, comme un signe très visible, les contemporains sympathiques, plus ou moins ironiquement, à Mallarmé. « M. Stéphane Mallarmé est un platonicien. Il croit à des séries de rapports nécessaires et uniques entre le visible et l’invisible », dit Jules Lemaître. « Je ne comprends pas la philosophie de l’absolu, et je suis de la sorte trop mal fait pour expliquer M. Mallarmé », dit Anatole France. Avec cette recherche de l’absolu concordent et se mêlent les pentes que j’ai essayé de discerner jusqu’ici.

Écrire, déjà, n’est-ce point s’ériger en absolu, et, pour légitimer son existence, construire un monde autour de soi, comme s’hypostasie un Dieu alexandrin, « s’arroger, en vertu d’un doute, quelque devoir de tout recréer, avec des réminiscences, pour avérer qu’on est bien là où on doit être[1] » ?

  1. Villiers, p. 10.