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et brisé, se console par la Bouteille à la Mer. Et Stéphane Mallarmé qui fit, lui aussi, dans Un Coup de Dés, une mystérieuse Bouteille à la Mer, n’a dans toute son œuvre fragmentaire, image d’un naufrage idéal, lancé aux flots que des essais, des espoirs, un testament : « Un livre comme je ne les aime pas, écrit-il de ses Divagations, ceux épars et privés d’architecture ». Il ne fut l’architecte ni d’un livre, ni d’un tombeau. Il aima, il rêva seulement cette perfection de la mort que son œuvre ne connut pas. Si d’autres nous la rendent sensible par une présence magnifique, le détour habituel à son génie nous la fait imaginer autrement, par un vide, un regret, une absence. Ainsi que Shelley chanta l’hymne de feu à la Vie de la Vie, Mallarmé sur lui-même cherche un thème pour la Mort de la Mort.