Chanter l’absence du poète ? Certes ! Son absence c’est son essence. C’est la place faite par lui, derrière lui, au grand tombeau de matière dure qui le contient entier ; sauf ce qui, pour un temps, demeure encore vivant et actif dans l’art hérité et inspiré de lui
Si ce n’est que la gloire ardente du métier,
Jusqu’à l’heure commune et vile de la cendre,
Par le carreau qu’allume un soir fier d’y descendre,
Retourne vers les feux du pur soleil mortel.
À l’anniversaire de Verlaine il l’a montré de même, Verlaine, cependant que sa pure gloire perce comme un rayon inflexible d’étoile toutes les nuées du mauvais sort,
À ne surprendre que naïvement d’accord
La lèvre sans y boire ou tarir son haleine
Ce peu profond ruisseau calomnié la mort.
« Son beau nom, dit Rodenbach, semblait déjà sonore et aérien comme d’une circulation à travers les siècles[1]. » Je ne crois pas que son goût ait envisagé cette circulation sans une ironie craintive et pudique. Il lui avait plu de se former pour public seulement la jeunesse littéraire dont il environnait son foyer comme d’une couronne un peu distante. Toute la visée très pure que la mort allait couper de son regard, à défaut de l’œuvre où elle ne s’épanouirait pas, il aimait, lui conscient et résigné, à la sentir qui refleurissait fraîche sur des pages blanches d’ambitions belles et d’espérances fragiles. « Qui scrute, dit-il, le mirage de l’Immortalité, sait bien qu’elle consiste, outre le salut indifférent de la foule future, dans le culte renouvelé par quelques jeunes gens, au début de la vie[2]. » Quelle vérité profonde, et comme toute autre immortalité s’évapore ! « Je ne lis plus, monsieur, je relis », disait Royer-Collard à