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paraît, éclos d’une atmosphère nerveuse maladive, le rapport que le promeneur établit subitement entre la boutique de vieux instruments à corde et d’oiseaux anciens, et le souvenir, sans doute imaginé du coup, d’une aile glissant sur les cordes d’un instrument et dont le son précédait la voix intérieure : la Pénultième est morte. Et je crois que ce titre : le Démon de l’Analogie pourrait donner à réfléchir, que les analogies de Mallarmé sont parfois des associations provoquées par le caractère d’à propos, de déjà vu, de nécessaire et d’éternel que prend subitement un fait aperçu. Ce qui se ratache à l’ordre des troubles phénomènes dont j’ai parlé et à un certain sentiment délicat, vivant et presque pathologique, de la durée.

Ce sonnet Remémoration d’amis belges en donne un exemple curieux.

À des heures et sans que tel souffle l’émeuve
Toute la vétusté presque couleur encens
Comme furtive d’elle et visible je sens
Que se dévêt pli selon pli la pierre veuve

Flotte ou semble par soi n’apporter une preuve
Sinon d’épandre pour baume antique le temps
Nous immémoriaux quelques-uns si contents
Sur la soudaineté de notre amitié neuve

Ô très chers rencontrés en le jamais banal
Bruges multipliant l’aube au défunt canal
Avec la promenade èparse de maint cygne

Quand solennellement cette cité m’apprit
Lesquels entre ses fils un autre vol désigne
À prompte irradier ainsi qu’aile l’esprit.

(Est-il besoin de dire qu’il faut mettre les troisième et quatrième vers dans une parenthèse, et traiter le septième en ablatif absolu ?)

Pénétrer ce délicieux poème me donne une volupté sensuelle et fine qui fait paraître grossière la lecture de vers habituels. Car je participe, à mesure d’un déchiffre-