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PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION

essai, un résidu, je l’admets. L’écart de la réalité individuelle à cet ordre commun, qui est nécessité professionnelle de toute critique, de tout écrit, paraîtra sans doute plus grand pour Mallarmé que pour un autre : il suffit qu’au début de ce livre on en soit averti, et qu’à son terme on admette l’inévitable de cette déception.

Je ne me suis pas préoccupé de tenir le milieu entre une interprétation libre et une analyse servile. Bien plutôt j’ai été volontiers d’un extrême à l’autre, mêlant aux résonances indéfinies de la lecture le souci, par instants, d’éplucher, avec une précision qui sera trouvée exagérément minutieuse, les syllabes, les mots, les phrases.

On ne comprend pas une œuvre de Mallarmé toute seule et d’abord. Mis sans préparation en présence de la Prose pour des Esseintes, je ne crois pas que l’on y puisse voir autre chose qu’une succession incohérente de rimes. Mais, une fois accoutumé à la logique de Mallarmé, une fois en mesure d’interpréter ses œuvres les unes par les autres, on découvrira, sinon peut-être l’existence, du moins la possibilité de certaine musique inattendue.

Je ne pouvais supposer une explication, un commentaire connu, puisqu’il n’en existe pas et que Mallarmé lui-même s’abstenait de toute glose sur une œuvre une fois produite. Je ne pouvais même supposer que mon lecteur fût un lecteur de l’auteur dont je lui parle. De là un embarras forcé et des précautions nécessaires. Songeant à la commodité du lecteur plus qu’à l’esthétique de mon livre, j’ai usé d’un plan qui amenait d’inévitables redites. J’ai étudié Mallarmé de deux points de vue successifs. Je l’ai pris d’abord de plain-pied, l’entourant de lignes flottantes, amenant successivement en lumière les figures de sensibilité, de pensée, de croyance, qui, données dans sa nature, ont fourni les éléments de son œuvre. J’ai ensuite abordé son œuvre elle-même, analysé les formes de sa poésie, décomposé les moments, le mouvement de l’écrit, tel que Mallarmé l’a réalisé, telle aussi qu’il l’a rêvé. À ces deux essais d’analyse