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existence qu’en se chargeant de matière, et dans la proportion même où il s’en charge, mais à l’ordre du non-être. De sorte que le problème mallarméen avoisinera celui qui hanta Platon durant toute la seconde partie de sa philosophie — celui du Sophiste et du Parménide. — Comment donner au non-être une certaine existence ? Et cette vision de l’absence chez Mallarmé, cette existence du non-être chez Platon, naissent pareillement, à la fois, de la conscience et de la hantise des Idées, d’une croyance obstinée de visuels à l’être nécessaire et suffisant du Mot. Le Nénuphar Blanc m’apparaît comme le Parménide esquissé, désarticulé et flottant d’un poète et d’un rêveur. Et sur un tel problème l’esprit de Mallarmé, comme la fleur sur l’eau, s’épanouissait voluptueusement. Vivant dans un monde subtil de sensations et d’idées, il ne donnait pas au mot exister, ou plutôt il n’éprouvait pas dans ce mot sa signification usuelle. Il le reculait et le dissolvait dans le songe. Au jeune homme qui s’ennuie et qui veut l’action : Qu’est-ce, répond-il, qu’agir ? « Produire sur beaucoup un mouvement qui te donne en retour l’émoi que tu en fus le principe, donc existes : dont aucun ne se croit, au préalable, sûr[1] ». Il déniait volontiers — et peut-être était-ce un compliment — la réalité à autrui, contestant qu’il « eût lieu », — parfois à lui-même. Le tabac, la songerie, la yole, la musique, ces quatre ailes du même génie consolateur, lui paraissaient, enveloppant à la même main et dans les mêmes lignes une absence de fleur et une fleur d’absence — le Nénuphar Blanc du poème — abolir sous leur bref passage ce qui demeure obscurément le scandale de tout idéaliste, — l’existence.

  1. Divagations, p. 256.