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EN-TÊTE DE L’ÉDITION NOUVELLE

La Poésie de Stéphane Mallarmé, épuisée depuis longtemps, paraît ici à nouveau, en édition définitive, avec des corrections et des additions assez nombreuses. Elle paraît à un moment où le nom et l’influence de Mallarmé ont atteint le plus vif éclat. Il y a dix à quinze ans, Verlaine et les poètes proprement symbolistes, ces derniers enveloppés aujourd’hui d’une ombre passagère, brillaient plus glorieusement que Mallarmé. Aujourd’hui ce rapport est renversé. Le rayonnement et l’influence de Mallarmé n’ont fait que croître.

Il n’est pas impossible que ce livre, où l’on essayait de faire comprendre Mallarmé, ait été pour une petite part dans cet accroissement de lumière autour du poète. Mais n’oublions pas que l’influence de la critique, même plus notoire et mieux armée que celle qui s’essaya en ces pages, est très faible sur les écrivains. Si Mallarmé est devenu à nouveau un maître, sinon un modèle, si son œuvre nous paraît une introduction à la littérature la plus récente, si ses recherches ont été reprises au point même où la mort les lui avait fait quitter, c’est que les écrivains eux-mêmes ont reconnu que cette voie était bonne à suivre, que leur nature les a portés à pousser comme lui la tentative littéraire vers le paradoxe de l’absolu, et que la « crise du concept de littérature » est passée au premier plan. La critique peut éclairer les