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2. Les femmes


L’année 1846, celle de ses vingt-cinq ans importe fort dans la vie de Flaubert. À deux mois de distance meurent le docteur Flaubert en janvier, Caroline Hamard en mars, celle-ci à la suite de la naissance d’une fille, qui sera la nièce Caroline. Achille succédera à son père à l’Hôtel-Dieu. Il est alors marié, père de famille. Il habitera le logement de l’hôpital, avec les siens. Gustave, sa mère, et la petite Caroline, vivront à Croisset, avec un pied-à-terre à Rouen, au coin de la rue de Buffon et de la rue Crosal, pour l’hiver… Entre sa mère et sa nièce, dans le grand Croisset silencieux, avec ses livres, son papier, sa pipe, la vie de Flaubert est fixée. Le laboratoire de son œuvre est prêt.

Croisset est une grande maison du XVIIIe siècle, qui avait été bâtie et possédée par les moines bénédictins de Saint-Ouen. La pièce principale y était un salon à cinq fenêtres, qui devint le cabinet de travail de Flaubert. Un pavillon – la seule partie qui subsiste aujourd’hui – contenait un autre cabinet de travail, qui ne servait qu’à Bouilhet, le dimanche, qu’il passait régulièrement à Croisset. Le site était d’une paix admirable : un parc planté de vieille verdure normande, hêtres, tulipiers, allées de tilleuls et d’ifs, rond-point de marronniers, gazons et massifs, n’était séparé de la Seine que par un chemin de halage. Les vues étaient découvertes sur la campagne et la ville, et l’on vivait dans la familiarité du fleuve où Flaubert aimait accomplir de grands exploits de nageur.

D’Ernest Chevalier, alors substitut en Corse, et qui avancera, par toutes les étapes de la magistrature debout jusqu’au