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ajoute à son œuvre publiée deux ailes considérables, dont lui-même certainement n’avait jamais pressenti l’intérêt : les œuvres de jeunesse et la correspondance.

Les œuvres posthumes ont permis d’apprécier la précocité et la fécondité réelles d’un écrivain que ses scrupules d’artiste contraignirent à publier tard et peu. Elles nous ont ouvert le laboratoire intérieur de Flaubert, nous ont montré quel terreau puissant nourrissait ces quelques arbres admirables. Cette connaissance croîtra encore d’un degré quand le libre usage des manuscrits de Flaubert dans les bibliothèques publiques en 1936 permettra des éditions critiques de ses grands livres. Nul écrivain n’a moins à perdre que lui à cette mise en lumière des dessous et des substructions. Œuvre de conscience, les romans de Flaubert semblent mieux prendre leur place naturelle quand plus de conscience les éclaire et les approfondit. La publication, qui restera longtemps inachevée, de la correspondance ajoute à cette lumière, à cette profondeur, à cette troisième dimension de l’œuvre de Flaubert. C’est (malgré le sottisier, et même parfois à cause du sottisier qu’on pourrait en extraire facilement) une des plus instructives et des plus intéressantes du XIXe siècle. André Gide en a fait pendant des années, dit-il, son livre de chevet, et il n’est pas le seul.