mains. Et cependant la figure extérieure du mouvement comique reste la même. Ce n’est plus le serviteur, c’est la servante. Ces servantes, invention originale de Molière, les Dorine, les Nicole, les Toinette, à quoi servent-elles dans l’action proprement dite ? À rien. Elles ne servent qu’à mettre du mouvement, à incarner, la force comique. Et c’est pourquoi elles sont, avec ce mouvement, l’âme de la comédie. Enlevez, de Tartuffe, Dorine, madame Pernelle, monsieur Loyal. Il vous reste tous les caractères et toute l’intrigue, vous n’avez en apparence supprimé que des hors-d’œuvre, des entr’actes. En réalité, vous avez supprimé, avec le mouvement de la comédie, la comédie même, vous lui avez coupé bras et jambes, il ne vous reste et il n’en reste qu’un drame.
Voyez ce miracle de mouvement qu’est la scène de monsieur Loyal succédant à celle de l’incrédulité de madame Pernelle. Monsieur Loyal ne bouge guère, mais sa froide impudence excite les bras à frapper comme le violon exciterait les jambes à danser. On ne donne pas de coups de bâton dans la haute comédie, et Boileau ne voudrait même pas qu’on en donnât dans les Fourberies de Scapin. Mais voyez-les, ces coups de bâton, frémissants et peints sur la scène (comme la possession physique dans tels vers de Phèdre) mieux que s’ils étaient reçus en chair et en os. D’abord le poing d’Orgon
Les cent plus beaux louis de ce qui me demeure,
Et pouvoir à loisir sur ce mufle asséner
Le plus grand coup de poing qui se puisse donner.
J’ai peine à me tenir, et la main me démange !
Monsieur l’huissier à verge, attirer le bâton !
La comédie étant un art de mouvement, Molière n’est le maître de la comédie que parce qu’il est le maître du mouvement comique. La comédie c’est le comique plus le mouvement organisateur, et