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AVERTISSEMENT POUR « TRENTE ANS
DE PENSÉE FRANÇAISE (1890-1920) »

Cet ouvrage en quatre parties, dont les trois premières et des morceaux de la dernière sont écrites, étudiera les courants principaux qui ont donné son modelé à un ensemble de nature française : les trente ans qui vont environ de 1890 à 1920 et qui forment, pour des raisons qui seront mises en lumière dans la dernière partie, un mortalis œvi spatium aussi circonscrit et l’aire d’une génération aussi définie que la continuité indivisible du temps le rend possible.

Les trois premiers volumes traiteront des trois influences capitales, des trois idées les plus vivantes qui aient agi sur ces trente années. Cela ne signifie pas nécessairement qu’il s’agisse là des trois plus grands écrivains d’aujourd’hui, ni que dans cinquante ans ces trois Pyramides et non pas d’autres marqueront notre temps sur l’horizon de nos successeurs. L’influence de Lamennais fut par exemple aussi grande sur son temps que celle de M. Maurras, celle de Michelet dépassa sans doute celle de M. Barrès, et vers 1890 les jeunes gens demandaient à Guyau le sentiment raisonné de la vie que propose aujourd’hui la philosophie bergsonienne. Aujourd’hui ces noms n’apparaissent plus dans les mêmes perspectives. Mais d’autre part sur la génération 1870-1890 les deux pylônes Taine et Renan subsistent à peu près. Il n’est donc pas défendu de chercher, même dans cet ordre, à fournir quelques pressentiments vraisemblables.

La dernière partie reprendra la question d’un point de vue critique et avec une mise en place dans la durée que ne comportaient pas les trois monographies. Elle étudiera les autres influences, les autres courants qui se sont mêlés aux trois premiers. Elle s’attachera à concevoir sous l’aspect d’une unité vivante ce morceau compact, bien ordonné par un destin artiste, composé comme un paysage, de