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du Midi, lieu commun de Coppet. Le point de vue de Schlegel sur la civilisation romantique du moyen âge est développé par Sismondi avec des restrictions conciliantes en faveur du classicisme français, et des réserves de calviniste genevois : il ne faut pas oublier en effet que Schlegel était catholique, et son esthétique aussi. L’espagnolisme intégral de Schlegel détonait dans la maison des Necker ; au contraire il favorisa la fusion avec Chateaubriand pendant la période catholique du romantisme.

Le livre de Sismondi est (avec les remaniements d’usage) un cours professé d’abord à l’Académie de Genève. Pareillement le Cours de Littérature dramatique, dont la traduction par Mme Necker de Saussure paraît la même année, avait été professé à Vienne et publié en allemand en 1808. On remarquera entre le Lycée de la Harpe et les cours de Guizot, Cousin et Villemain, en attendant le Port-Royal, l’importance de cette forme littéraire toute nouvelle : le cours publié.

C’est enfin en 1813 également que paraît à Londres l’Allemagne de Mme de Staël, dont l’édition de 1810 avait été détruite sauf deux exemplaires. Cette fois, 70.000 exemplaires se répandent en Europe en quelques semaines.

Influence de la Romantique.
Ainsi, la Romantique est entrée en France, en grande partie, par ce qu’on a appelé l’échancrure de Genève et de Coppet. Elle implique le dualisme du Nord et du Midi, et leur synthèse créatrice et critique. Il y a un secteur du mouvement littéraire où tout se passe comme si romantique dérivait non de romanesque et de roman, mais de la langue romane, qui, prétend Sismondi, « était née du mélange du latin et de l’ancien allemand. De même les mœurs romantiques étaient composées des habitudes des peuples du Nord et des restes de la civilisation romaine » Ni le substantif de la Romantique ni les idées qu’il représente n’ont été conservées. Mais on peut lui imputer tout le courant qui de 1814 à 1830 traverse la Restauration sous le nom de style troubadour. Dès 1813 paraît la Gaule poétique du futur procureur Marchangy, romancement du moyen âge dont l’influence sera très sensible vers 1820, jusqu’à ce que le médiévisme sentimental trouve un autre véhicule dans Walter Scott.