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sept auteurs insistent visiblement et s’attardent sur des années qui correspondent à leur jeunesse, et dans cette recherche ou temps perdu ils ne paraissent pas pressés d’arriver au temps actuel. Il est à remarquer d’ailleurs qu’en face de l’instabilité de la société, du caractère saisonnier de ses mœurs et de sa situation, les romanciers depuis 1930 hésitent devant ce qui faisait autrefois le pain quotidien du roman : les mœurs contemporaines, la chronique de la Société. La durée romanesque se trouve ainsi comme refoulée vers l’amont. Cela tient toujours au déséquilibre actuel de la durée littéraire. La hâte avec laquelle, la trentaine à peine atteinte, des écrivains qui n’ont d’expérience que de quelque littérature, et non point de la vie, se mettent à publier leurs mémoires, nous divertit et aussi elle nous éclaire. Il ne s’agit pas seulement de la hâte de la production, mais de l’incertitude du lendemain, de l’incohérence de la vie, d’une nécessité croissante de vivre sur les réserves, d’une crise et d’une carence de la création. Malgré ces difficultés, on ne saurait guère douter que le super-cycle de ces sept romans-cycles, le Tour de France des sept romanciers cyclistes, ne reste un trait capital de l’histoire du roman, du paysage du roman, pour cette tranche de siècle, que meublera la génération de 1914.