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tique littéraire dans ses propos. Et son « Je remarque que » peut être retenu comme un tic révélateur d’écrivain. La critique de Pierre Lièvre, faite de justes et fines pointes rares, très assurée d’elle-même, rentre sous cette rubrique. Et pareillement celle que Denis Saurat donne dans Marsyas.

Les Revues.
Les petites revues autonomes sont d’ailleurs pour une critique très indépendante, et toute en remarques, en propos, en coups secs de baguette indicatrice ou flagellante, le milieu privilégié. C’est là, plutôt qu’à la Revue des Deux-Mondes, que l’amateur de critique fait ses trouvailles, repère les pistes, le coin où il va aux fraises ou aux escargots.

Nous avons déjà trouvé dans notre chemin la critique de soutien, sans laquelle il n’y a pas d’école : celle que le naturalisme demanda vainement à Taine, et que son petit-fils le populisme a trouvée chez Thérive. Sous le nom de critique des poètes, Duhamel a fait avant la guerre au Mercure de France une critique de soutien des poètes unanimistes. L’école fantaisiste en avait trouvé une, qui était aussi précieuse, dans le charmant Divan. La critique de soutien des poètes néo-classiques, des écrivains conservateurs et de Pierre Benoît a été menée de main de maître par l’Action Française et la Revue Universelle.

La Nouvelle Revue Française a fourni à la critique des tempéraments très divers. Benjamin Crémieux dans son XXe siècle et ses nombreux articles, pratique une critique objective qui pénètre lucidement les œuvres avec un minimum de parti pris, et discerne judicieusement les courants de la littérature contemporaine. Mais les traits dominants et originaux de ce groupe critique, je crois qu’on en trouverait deux.

D’abord la place singulière qu’y tiennent les critiques philosophes. Il semble que la formation philosophique ait joué ici une partie du rôle que remplissait la formation littéraire dans la critique de 1900. Jacques Rivière était de formation philosophique ; et l’auteur du Bergsonisme a introduit en critique des points de vue de son maître. Aujourd’hui, avec des tempéraments divers, Gabriel Marcel, Ramon Fernandez, Jean Prévost, Jean Paulhan représentent dans la critique de