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VIII
LE THÉATRE

Vers 1890 une nouvelle génération dramatique, destinée à remplacer Augier et Dumas, Sardou et Labiche, Meilhac et Halévy, est appelée à la scène, et l’on ne conçoit même pas qu’elle puisse manquer au rendez-vous. Il y a un grand public pour le théâtre, la Comédie-Française et d’autres théâtres abondent en grands acteurs qui ne laissent à envier aucune des époques antérieures. Enfin les écoles littéraires nouvelles de roman et de poésie aspirent à conquérir la scène.

Cette conquête se fait-elle ? Le romantisme avait eu son théâtre, de 1830 à 1840, le réalisme bourgeois de 1850 à 1860. Mais ni le naturalisme ni le symbolisme n’arriveront à prendre pied sur les planches.

Les romanciers réalistes avaient essayé longtemps de retrouver sur la scène leurs succès de librairie, tantôt par des œuvres personnelles, tantôt en faisant adapter leurs romans au théâtre par des tâcherons. Généralement, et malgré quelques succès matériels comme l’Arlésienne de Daudet, l’Assommoir de Zola, ils n’y réussirent pas.

C’est cependant au mouvement naturaliste qu’avec de la bonne volonté et par déférence pour les synchronismes on peut rattacher d’une part le théâtre d’Henry Becque, d’autre part le Théâtre Libre.

Henry Becque.
On ne saurait dire que la pièce initiale d’un nouveau théâtre, les Corbeaux, est l’œuvre de la génération de 1885. Elle fut représentée en 1882, et son auteur Henry Becque, à peine connu par quelques pièces manquées, avait quarante-cinq ans. L’intervention de Dumas