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paration de l’Église et de l’État fut suivie d’une renaissance religieuse qui se répandit sur le front de la littérature, et dans laquelle furent prises des valeurs et des habitudes de la critique. De là en partie la fonction si vivante que remplit dans la critique et dans l’histoire littéraire, pendant les dix ou douze premières années de l’après-guerre, l’abbé Bremond, prêtre sourcier des épaisseurs littéraires. L’Histoire littéraire du Sentiment religieux reste au XXe siècle la seule œuvre, critique qui appartienne au climat de Sainte-Beuve, qui maintienne à la fois et la tradition monumentale de Port-Royal et la fraîcheur intacte de l’humanisme et l’esprit de finesse dans l’érudition, la bibliothèque qui devient ruche et l’abeille parmi ses rayons. Que l’esprit de la critique vivante, la familiarité avec les valeurs littéraires d’autrefois, d’aujourd’hui et même de demain, aient été alors représentés par un prêtre, ce n’est pas un accident, c’est un signe de l’époque. À la critique de la chaire s’oppose, ou plutôt s’ajoute, une critique du confessionnal, celle-là dont Sainte-Beuve avait d’ailleurs plus ou moins la vocation.
Critique journaliste.
Toute une partie de la critique littéraire serait aussi bien nommée du nom de chronique, ou si l’on veut, de critique chronique. La critique est celle de l’actualité littéraire et des livres nouveaux. C’est un chapitre du journalisme. Il n’y a pas besoin de beaucoup de réflexion pour reconnaître qu’elle ne saurait jamais constituer le plus haut degré de la critique, qu’entre ce qui est actuel et ce qui dure il y a une opposition et une option nécessaires, — et que si Sainte-Beuve avait consacré ses Lundis à la revue des livres nouveaux, s’il n’avait été de ceux que les Goncourt appellent avec exécration des faiseurs d’éloges des morts, les Lundis appartiendraient à peu près à la même semaine que les Samedis de M. de Pontmartin.

Cela dit, et quelles que soient les nécessités inférieures du journal, la critique des journalistes professionnels, des publicistes, a pris après la guerre une importance qu’elle n’avait pas toujours eue. La retraite de la critique universitaire vers l’histoire littéraire a tourné automatiquement au bénéfice du journalisme de profession. La place que Paul Souday prend donc dans la critique littéraire, tient dès lors à des raisons, à