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senter avec une suffisance naïve et peu avertie, et l’on se gardera en effet de prendre à la lettre le titre du roman épistolaire d’Hervieu, Peints par eux-mêmes. Cependant quelques gens du monde écrivent eux-mêmes leur roman. D’abord Gyp. Sous ce pseudonyme, la comtesse de Martel a écrit une quarantaine de livres, dialogues et romans, qui eurent grand succès, créèrent un genre, ou le renouvelèrent, mais dont peut-être on serait très embarrassé pour citer un titre qui soit resté : On peut proposer Leurs Âmes, mœurs mondaines peu flattées, mais pittoresques, ou Bijou, curieux portrait de cruelle jeune fille. Plutôt que la comtesse de Martel, le romancier le plus juste et le plus intéressant de l’aristocratie en ce temps serait le comte de Comminges, qui a écrit sous plusieurs pseudonymes et même sous son nom, et dont l’humour est de fine qualité.
Le Roman de Paris.
À vrai dire il s’agit d’un roman du monde et des châteaux plutôt que de Paris. On notera que les romanciers strictement parisiens comme Hervieu, Lavedan, Vandérem ont été portés au théâtre par une pente irrésistible, celle qui est naturelle au « paysan de Paris », et que la Vie parisienne n’est pas un titre de roman.

Nous avons dit qu’il y avait une exception. Serait-ce Henri Duvernois, le Duvernois de Faubourg Montmartre, et d’Edgar ? Pas tout à fait : d’abord Duvernois est surtout un conteur, un conteur de la chronique parisienne, mais celle des irréguliers à la manière du Capus d’Années d’Aventure. Ensuite, lui aussi a été porté sur la pente dramatique. L’exception, c’est Proust. Avec Proust, pour la première fois Paris a eu son romancier intégral, son Balzac à lui. Mais bien que Proust appartienne en réalité à cette génération, sa présence et son action sont tellement liées à la génération suivante qu’on se sent en conscience obligé de l’enrôler dans ceux de 1914.

Il y a d’ailleurs Paris et Paris. Sur la rive gauche commence ou finit la province. On ne confondra pas le roman parisien de rive gauche avec le roman parisien de rive droite. Jean de Tinan, le romancier de Penses-tu réussir et d’Aimienne, ces reportages autobiographiques délicieux, mourut