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Mais les morceaux du cours de l’ouvrage se retrouvèrent plus ou moins, comme Sainte-Beuve lui-même l’a dit, dans les Lundis.

La Révolution et le Second Empire confirmèrent son dessein, son programme. Elles firent de 1850 une coupure médiane du siècle, de la vie littéraire et de toute la vie française ; 1800-1850, l’entre-deux-coups d’État, du retour de Chateaubriand au départ de Victor Hugo, cela fit une figure de la durée française circonscrite, finie, et, pour Sainte-Beuve, une manière de littérature faite, comme celle du XVIIe siècle, une littérature faite que Sainte-Beuve associa à toute l’autre littérature faite depuis Malherbe.

Ainsi, sur une suggestion de Véron, directeur du Constitutionnel en 1849, naquirent les Lundis, commença et continua pendant dix-neuf ans (sauf une interruption quand Sainte-Beuve enseigna à l’École Normale) cette discipline forte, voulue et constante, le long article hebdomadaire, unique préoccupation de la semaine, fait de six jours d’exploration assidue dans un auteur.

La méthode, la présentation des Lundis ne rompaient d’ailleurs pas avec celles des Portraits ni même avec celles de Port-Royal et de Chateaubriand. Port-Royal était, surtout en ses parties restées les plus célèbres, fait de morceaux, de percées sur le XVIIe siècle, de portraits d’écrivains de premier ou de second ordre, le tout libre, discontinu, d’une forme déjà très lundiste ; et d’édition en édition, en l’accroissant de notes, de réflexions, de hors-d’œuvre, Sainte-Beuve lundisera de plus en plus. Pareillement le Chateaubriand et son groupe littéraire, autre tableau de groupe arbitraire et souple, où pouvaient entrer non seulement les amis, mais les contemporains de Chateaubriand, nous rend le grand paysage de sources où se forme et d’où coule le cours des Lundis. Si Sainte-Beuve le laisse inachevé, c’est, dit-il, que la suite en est dans les Lundis, avec d’autres cours d’eau, et qu’au fleuve unique a succédé le bassin. Voyez-la, cette suite, dès le 18 mars 1850, avec l’article sur les Mémoires d’outre-tombe, et même déjà dès le deuxième Lundi, celui du 8 octobre 1849, avec l’article sur les Confidences de Lamartine. Dans la préface de Septembre 1849, qu’il rédigeait pour le Chateaubriand à un moment où il avait déjà traité avec Véron