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soit 1° l’étranger (les littératures du Nord et du Midi encadrent et aident le romantisme comme les littératures de Rome et du XVIIe siècle encadraient les classiques) 2° le solitaire (l’isolement est la première attitude du poète romantique comme l’Isolement est la première pièce des Méditations) 3° le populaire, (les références au théâtre et à la poésie populaire, l’appel au peuple comme source et public, le genre populaire du roman donnant au romantisme ses forces d’expansion).
Le bilan du Romantisme.
Historiquement, et dans le panorama littéraire du siècle, le mouvement romantique, le romantisme du mouvement, couplé d’ailleurs avec une littérature de la résistance, laisse, comme Custine le prévoyait, mêlés à la vie de l’esprit et des lettres, des éléments durables encore actuels. Lesquels ?
1° Les partis.
Tout d’abord, le romantisme a introduit dans notre vie littéraire une seconde dimension. Il nous a habitués à penser la vie littéraire sous la forme d’une opposition, d’un contraste entre deux mondes qui furent autrefois le classique et le romantique, et qui ont pu changer de nom sans changer de rôle et de direction. Plus précisément, il a créé des partis.

La République des lettres a pris une figure analogue à la figure de la République tout court, soit de l’État, de la vie politique. Depuis la Restauration il y a eu en général, dans nos villes et nos villages une division en partis politiques, en clans rivaux, qui n’existait pas dans la France d’avant 1789. On a été blanc, ou bleu, ou rouge. On a été de droite ou de gauche. On était en 1830 du parti de la résistance ou du parti du mouvement. Bref, les partis se sont formés. Des idées qui n’étaient pas courantes autrefois, celle de Révolution, celle de la Restauration, sont devenues des façons habituelles de penser la vie politique. Or il en a été de même de la vie littéraire. La lutte du classique et du romantique a pris le même caractère. Il y a aujourd’hui des antagonismes, des différences, des camps adverses, des natures ennemies là où il n’y en avait pas autrefois. Un certain goût commun, formé par les disciplines classiques, a disparu. Un goût romantique commun ne lui a jamais succédé. Le monde littéraire a gagné en variété. Il n’y a plus seulement un public, il y a des