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barbares, ignorans Dieu et totalement idolatres, adorans le Soleil, la Lune et quelques autres planetes, comme souueraines deitez, desqueles ils receuoyent tous biens : Habitâs des Canaries reduits à la foy chrestienne. mais depuis cinquante ans les Espagnols les ont defaits et subiuguez, et en partie tuez, et les autres tenus captifs et esclaues : lesquels s’habituans là, y ont introduit la foy Chrestienne, de maniere qu’il n’y a plus des anciens et premiers habitateurs, sinon quelques uns qui se sont retirez et cachez aux montaignes[1] : comme en celle du Pych, de laquelle nous parlerons cy apres. Vray est que ce lieu est un refuge de tous les bannis d’Espagne, lesquels par punition on enuoye là en exil : dont il y a un nombre infini aussi d’esclaves, desquels ils se sçauent bien seruir à labourer la terre, et à toutes autres choses laborieuses. Ie ne me puis assez emerueiller comme les habitans de ces Isles et d’Afrique pour estre voysins prochains, ayent esté tant differens de langage, de couleur, de religion et de meurs : attêdu mesme que plusieurs sous l’Empire Romain ont conquesté

    par les exterminer. En 1532, les nouveaux possesseurs du sol supplièrent la cour d’Espagne de leur accorder la permission d’établir aux Canaries l’Inquisition, « afin de forcer le reste des anciens insulaires, qu’ils ne pouvaient souffrir, à ne plus les tourmenter ; ne pouvant pas les traduire devant les tribunaux, par ce qu’ils ne commettaient aucun délit qui fut de la compétence de la justice. » L’Inquisition ne remplit que trop bien son mandat.

  1. Ces derniers Guanches ont disparu. Clavijo qui avait longtemps résidé aux Canaries, assure qu’on ne saurait y trouver d’autres Guanches que leurs momies et leurs corps embaumés. (l. ix. § 28. Lamentable extinction de la nation guanchinesa.)