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gnols (ainsi que quelques uns qui estoient à la côqueste m’ont recité) les Barbares ont fait mourir plus de dix ou douze mille Chrestiens[1], iusques après auoir fortifié en plusieurs lieux, ils en ont fait mourir grand nombre, les autres menez esclaues de toutes parts. Et de ceste façon ont procédé en l’isle de Cuba, de Saint Ieâ, Iamaïque, Sainte Croix, celles des Cannibales, et plusieurs autres isles, et païs de terre ferme. Car au commencement les Espagnols et Portugais, pour plus aisément les dominer, s’accommodoient fort à leur manière de viure, et les allechans par presens et par douces parolles, s’entretenoyent tousiours en leur amitié : tant que par succession de temps se voyans les plus forts, commencerent à se reuolter, prenant les uns esclaues, les ont contrains à labourer la terre : autrement iamais ne fussent venuz à fin de leur entreprise. Casco et Apina isles riches et fertiles. Les Roys plus puissans de ce païs sont en Casco et Apina, isles riches et fameuses, tant pour l’or et l’argêt qui s’y trouue, que pour la fertilité de la terre. Les Sauuages ne portent qu’or sur eux, comme larges boucles de deux ou trois liures, pendues aux oreilles, tellement que pour si grande pesanteur, ils pendent les oreilles demy pié de long : qui a donné argument aux Espagnols de les appeler grands oreilles. Fertilité et richesses de l’isle Espagnole. Ceste isle est merueilleu-

  1. Singulière façon d’excuser les cruautés espagnoles ! Thevet ne connaissait sans doute pas les ouvrages de Las Casas, ou bien il oubliait trop facilement que les insulaires des Antilles n’usaient que de leur droit strict en résistant aux envahisseurs.